Le couvreur comment couvrir sa maison?
Il est souvent dit que jusqu’au milieu du XIXe siècle, le chaume est le matériau prépondérant en Bretagne pour les toits des maisons paysannes et de leurs dépendances. L’ardoise étant réservée aux manoirs et aux édifices religieux »
L'idée communément admise selon laquelle les toitures sont essentiellement faites de matériaux végétaux avant que les compagnies d'assurance n'aient imposé l'ardoise au xixe siècle est en partie infirmée par des études locales. Dans la région de Janzé, un échantillon de 183 toitures (tous bâtiments confondus) donne 162 toits en ardoise et 21 en matériaux végétaux (gled et paille). Dans la région de Vitré, 99 % des habitations sont couvertes d'ardoise ; l'essauve (= bardeau), la paille et le genêt ne se rencontrent que sur certains bâtiments d'exploitation.
La couverture est souvent un reflet du sous-sol. La Bretagne recèle de nombreuses carrières de schistes de qualité variée mais rentables par le faible coût de la main-d'oeuvre.
Au fur et à mesure que l'on quitte la région de Rennes vers le nord, les couvertures végétales (chaume, jonc et roseau, genêt paille et gled, essente ou essauve) deviennent plus fréquentes.
Ardoise de Pleugueneuc © JM Bergougniou |
Paille de seigle ou de blé, genet, bruyère : le chaume est en fait un terme générique qui regroupe diverses couvertures végétales. Les archives notent aussi l’utilisation de « gled », du jonc ou des roseaux, qu’on trouvait sur les dépendances ou même des habitations modestes.
« Le terme chaume vient du monde agricole, continue la chargée d’études.
C’étaient les parties des tiges de céréales qui restaient sur les champs après la moisson. Le seigle était cultivé majoritairement en Bretagne, c’était vraiment la céréale paysanne. Le froment l’était uniquement sur les terres les plus riches. » Les bâtiments d’une même ferme pouvaient être couverts de différents végétaux : du seigle pour l’habitation, du genet pour la grange, du blé pour le moulin… Ou même un mélange d’essences sur le même toit.
Marteau de couvreur © JM Bergougniou |
enclume de couvreur © JM Bergougniou |
Arrache-clou © JM Bergougniou |
Les outils du couvreur-zingueur :
les couvreurs qui manipulaient le plomb se convertissent en zingueurs. De nouveaux outils apparaissent, comme la plieuse d’établi, sorte de presse qui sert à plier et façonner les feuilles de zinc. Installée directement sur le toit, la plieuse donne la possibilité de fabriquer sur-le-champ les pièces simples et les compléments.
Le procédé de pose du zinc est similaire à celui du plomb : les feuilles sont fixées sur des liteaux par des attaches, encastrées ou soudées à l’étain. À la fin de l’ouvrage, toute soudure voyante est éliminée avec une lime et un grattoir.
Lampes à souder © JM Bergougniou |
Le chaume
Le chaume est la paille qui reste dans le champ après la moisson.
Ce matériau disponible partout, ou presque, couvre la majorité des bâtiments à la campagne, jusqu’au 19e siècle. La tradition subsiste de nos jours dans certaines régions, comme la Normandie ou la Camargue. S’il est bien exécuté et régulièrement entretenu, un toit de chaume peut avoir une durée de vie d’au moins 50 ans.
La matière première est cueillie par le chaumier qui la peigne et la calibre pour la rassembler en paquets. On utilise parfois aussi des roseaux. Sur le toit, le couvreur pose les liteaux (ou “condorses”), baguettes horizontales sur lesquelles seront cousus les paquets avec un raphia très fort ou des fils métalliques. Deux personnes interviennent pour la pose : le couvreur, qui place les paquets, et le batteur, qui égalise le niveau en tapant sur la paille avec une batte ou une palette en bois. Pour être le plus étanche possible, le toit doit être très pentu : environ 45°. Avec une couche de 15 à 30 cm d’épaisseur, le toit de chaume garantit une très bonne isolation thermique et phonique.
Au sommet, le chaume peut être scellé dans du mortier. En Normandie, il est remplacé par une terre argileuse très compacte dans laquelle on plante des iris. Mais cette coutume n’est pas uniquement décorative : les rhizomes (racines) des fleurs tissent au fil du temps un réseau de fixation supplémentaire.
L’ardoise
L'atelier du couvreur © JM Bergougniou |
Asse ou assette de couvreur marteau avec une tête et un tranchant © JM Bergougniou |
La pose de l’ardoise
L'atelier du couvreur © JM Bergougniou |
Les ardoises les plus épaisses sont posées en bas de la couverture et les plus fines vers le sommet. Déplacées vers le lieu de pose, elles sont mises en attente sur le liteau (pièce constituant le support de la couverture) ou coincées entre deux voliges. Par ailleurs, les voliges jouent un rôle important, puisque ces pièces de bois rectangulaires fixées sur la charpente servent de support à la couverture d’ardoise.
Cathédrale St-Samson Dol de Bretagne © JM Bergougniou |
Couvreur Cathédrale St-Samson Dol de Bretagne © JM Bergougniou |
La tuile
Hospices de Beaune © JM Bergougniou |
La couverture de tuile est très ancienne ; dès la Grèce antique, son utilisation est fréquente. Les tuiles sont fabriquées de la même façon que les briques : elles sont moulées, mises à sécher à l’abri, puis cuites dans un four par fournées de 10 à 12 000 tuiles pour assurer l’imperméabilité de la future couverture.
Tuile plate accrochage © JM Bergougniou |
Les briques sont aussi un rempart contre le feu. Pour éviter le risque d’incendie, en ville, le remplacement des toitures de chaume par des toits de tuiles est imposé par les municipalités dès le 13e siècle.
Plusieurs formes de tuiles
Il existe plusieurs formes de tuiles :
• la tuile plate, dont une des extrémités peut être arrondie, ce qui lui vaut selon les régions l’appellation de tuile en écaille ou en queue de castor ;
• la tuile canal ou ronde : assez lourde, elle est beaucoup utilisée dans le Sud de laFrance ;
• la tuile à crochet et à trou, qui garantit une bonne fixation ;
• la tuile à emboîtement : inventée en 1841 par Xavier Gilardoni, c’est une tuile fabriquée selon des méthodes industrielles ;
•
la tuile faîtière, qui est posée sur le faîte, c’est-à-dire le sommet ; elle relie les deux pans du toit et sa forme est allongée et arrondie.
Tuiles faitières © JM Bergougniou |
La pose des tuiles
Les tuiles sont fixées sur des crochets, grâce à des clous, ou posées (surtout au niveau du faîtage) sur du mortier frais. Les tuiles sont posées par un "couvreur de tuiles". Celui-ci sait aussi bien manier le marteau, pour clouer les tuiles, que la truelle : les tuiles du faîte du toit doivent être liées au mortier. D’ailleurs, certains couvreurs sont également maçons.
Tuile plate © JM Bergougniou |
Une dimension esthétique
Les tuiles peuvent être décorées et colorées. Divers procédés sont mis en œuvre :
• on cuit les tuiles à four fermé pour obtenir une nuance noire ;
• on effectue un appel d’air pour obtenir une belle couleur rouge ;
• on les glace avec du plomb ou on les émaille de noir, de jaune, de vert ou de bleu.
Les tuiles peuvent aussi passer entre les mains d’un potier qui dessine un motif avec un liquide à base de plomb dont l’utilisation est dangereuse et toxique. Puis les couvreurs disposent les tuiles sur les toits afin de composer des motifs géométriques abstraits ou figuratifs, comme c’est le cas aux Hospices de Beaunes en Bourgogne.
Dès le 13e siècle, les toitures des abbayes, hôpitaux, châteaux, voire des demeures aristocratiques urbaines prennent l’apparence de véritables tapis aux motifs de losanges ou de fleurs de lys. Les tuiles alternent parfois avec d’autres éléments décoratifs comme des mascarons, des acrotères ou des frises.
Sur la commune de Québriac
il apparait dans les délibérations du conseil municipal entre 1838
et 1848 le droit accordé aux habitants d’y extraire « des terres pour la façon des tuilles »: « Le Conseil […] a aussi imposé une rétribution d’un Franc pour chaque fournée de tuile dont les matériaux tant pour la façon que pour la cuisson seraient pris sur les propriétés communales ».
la première mention de l’activité tuilière apparaît lors d’une délibération en date du ventôse an XV de la République (1806) :
« Le conseil municipal refuse à l’unanimité la cession d’une lande dite de Tanouarn, située à la Pivaudière, considérant qu’il existe une fabrique de tuiles et briques servant non seulement à la commune de Québriac, mais
encore à 40 communes circonvoisines, et estimant que la cession particulière de ce terrain entraînerait la fi n de cette fabrique et serait très préjudiciable aux indigents »
signé Julien Frété, Maire.
Un peu plus tard des délibérations du conseil
municipal de Québriac du 8 décembre 1839 et 7 juin 1840 portent sur un confl it lié à l’annexion illégale d’un des terrains communaux du village de Ringadan par un de ses habitants. Suite à l’apparition d’un conflit, le conseil municipal prend position et affirme le caractère commun de ce terrain prenant pour preuve la présence des débris d’un vieux four
En Québriac toujours à La Pivaudière se trouvait une ancienne carrière qui a été exploitée durant de nombreuses années.
La lauze
L'atelier du couvreur © JM Bergougniou |
Dans certaines régions, on parle de "laves", mais il ne s’agit pas de pierres volcaniques. Leur nature dépend des carrières présentes dans la région. Le calcaire et le grès sont très utilisés dans le Centre et l’Ouest de la France. On trouve plutôt du granite, du schiste ou du gneiss dans les régions de montagne et de l’Est de la France.
Schistes de Pleugueneuc © JM Bergougniou |
Sources
BnF
Lena Gourmelen, L'ardoise en Bretagne : Une histoire, des hommes, des savoir-faire,
L'écho québriacois
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