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jeudi 4 août 2022

Fougères grève des chaussonniers Les soupes communistes 1906 1906

Fougères grèves 1906 1907 La réponse ouvrière aux provocations patronales : l'organisation.



Conscients des provocations patronales, les responsables ouvriers les dénoncent inlassablement en recommandant à chaque instant le calme aux grévistes. Pour éviter les incidents, ils sont conduits à exercer un contrôle très strict sur le mouvement et à organiser les secours.

Dès le 7 novembre, la Bourse du Travail, dans une affiche, montre bien qu'elle a compris le sens donné au conflit par le patronat.


Camarades,

Effrayé par les victoires successives qu'ont obtenues les organisations sur plusieurs fabricants de chaussures et craignant la propagation de ce mouvement, le syndicat patronal n'a pas hésité à provoquer une cessation générale du travail [...].


Par conséquent, il est maintenant bien établi que cette raison (grève Pitois) n'était qu'un prétexte odieux pour couper de sa racine l'action syndicale dont l'efficacité venait de se montrer d'une façon éclatante en faisant triompher rapidement les revendications de quatre maisons..,

Il y a là une manoeuvre déloyale qui a pour but d'anéantir vos organisations et de frapper votre esprit d'une crainte chimérique.

En effet, le patronat s'était imaginé que sa décision causerait à tous une terreur profonde dont il aurait profité pour imposer des conditions dérisoires.


Mais l'effet attendu a été diamétralement opposé et c'est sous le coup d'une juste indignation que les ouvriers ont abandonné les ateliers et se préparent maintenant à dénoncer en bloc leurs tarifs absolument illusoires et à exiger de meilleures conditions de travail.

Par ailleurs, l'affiche conseille le calme, le refus de la violence mais la fermeté et la solidarité. Ce calme, les dirigeants ne cessent de le réclamer dans la quasi-totalité des réunions (et pendant cent trois jours, il y en aura en général au moins une par jour !). Dès le 8 novembre, des consignes très strictes sont proposées aux grévistes ; on leur demande même de faire la police de la rue s'ils constatent une provocation quelconque de certains ouvriers vis-à-vis des patrons. 

Pour les responsables ouvriers, l'absence de violence de la part des grévistes sera la meilleure façon d'ennuyer les patrons et Gourdin n'hésite pas à proposer au maire, le 12 novembre, de faire au moins tous les deux jours une grande réunion où il prêchera le calme.

Ils organisent ainsi les réunions journalières (de 2 à 6.000 personnes), Les délégués font le compte rendu des négociations en cours. Les orateurs y analysent la situation, lancent des appels au calme, lisent les lettres de félicitations venues de toute la France, citent en les félicitanl et en les remerciant les organisations qui ont envoyé des fonds.


 C'est d'ailleurs pour entretenir le moral des grévistes que les dirigeants décident, le 5 décembre, de faire appel aux orateurs de la CGT, La confédération envoie successivement à Fougères Dret, secrétaire de la Fédération des Cuirs et Peaux, Levy et Yvetot. Mais les socialistes apportent le secours de leur parole en plus grand nombre encore : dix-huit députés socialistes vont se relayer à Fougères restant souvent plusieurs jours et certains y revenant à plusieurs reprises.


Mais si les responsables sont heureux de cet appui qu'ils ont sollicité, ils restent maîtres de leurs décisions. Cela transparaît dans leur refus de prendre des risques inutiles.

Dans ce domaine de l'organisation des secours, les dirigeants ont réalisé une oeuvre remarquable. Au début du conflit, la Bourse du Travail a envoyé 3.000 lettres à différentes organisations. Les secours arrivent très vite et pendant tout le conflit ils vont approvisionner la caisse de grève. Ces ressources sont d'abord locales : caisses des syndicats et de la Bourse du Travail, contributions des ouvriers qui continuent à travailler dans les treize fabriques non syndiquées, quêtes à la campagne, dans les rues de la ville, chez les commerçants. 

Mais l'argent vient surtout de l'extérieur : souscriptions ouvertes par de nombreux journaux (L'Humanité qui fournit plus de 30.000 F, mais aussi quêtes réalisées lors du passage des conférenciers fougerais dans de nombreux centres industriels, quêtes dans la région du Nord et dans les couloirs de la Chambre des Députés, subventions municipales en particulier de Toulouse, produits de multiples fêtes de solidarité données un peu partout pour les grévistes de Fougères.

 Tous ces concours ont permis à la Bourse du Travail de distribuer 108.886 F 45 sous une forme ou sous une autre. A cela, il faut ajouter divers secours de la municipalité fougeraise et du bureau de bienfaisance départemental, des vêtements envoyés par des coopératives parisiennes, etc..

Les responsables utilisent ces ressources pour installer fourneaux et marmites dans la cour de la Bourse du Travail et servir aux grévistes plusieurs milliers de repas par jour. Ces soupes communistes sont organisées dès le 15 novembre et vont permettre aux ouvriers de résister jusqu'à la fin.

J'ai fait, ce matin, un tour aux soupes communistes où j'ai déjeuné avec plaisir d'une écuelle de rata. La bonne humeur des braves gens qui se pressent autour des marmites fait plaisir à voir. Sans l'ombre de service d'ordre, 8.000 grévistes défilent là deux fois par jour, sans la moindre discussion, sans la moindre bousculade. 

Les femmes qui depuis deux mois remplissent les fonctions de cuisinières sont exténuées ; la fumée du bois vert que chaque jour une équipe d'hommes va couper dans une forêt des environs leur brûle les yeux sans les empêcher de rire. D'autres ont proposé de les remplacer ; elles ont repoussé cette offre comme une injure grave à la merveilleuse organisation de cette popote.Les grévistes mangent, et mangent bien, je vous prie de le croire, pour vingt-cinq centimes par jour. Si l'on ajoute à cela que la caisse syndicale s'alimente chaque jour de nouvelles contributions, on comprendra que M. Ghesquière n'exagérait pas, ce matin, lorsqu'il m'affirmait que la résistance pourrait se prolonger plusieurs mois.

Sources

Gallica BnF

LA GRÈVE DES CHAUSSONNIERS FOUGERAIS DE L'HIVER 1906-1907 Claude Geslin

L'Ouest-Eclair 6-11-1906


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