Rechercher dans ce blog

dimanche 21 juin 2020

De fer et de bois - les portes d'écluses du canal d'Ille et Rance 


L'écluse amont de Tinténiac - photo (c) JM Bergougniou

la Maison du Canal prépare pour cet été une exposition sur la fabrication des portes d'écluses. C'est avec plaisir que le Musée de l'Outil et des Métiers de Tinténiac participe à cette exposition par le prêt de matériel de charpentier et de forgeron. 





Selon Denis Diderot : du mot latin excludere, empêcher, en Architecture, se dit généralement de tous les ouvrages de maçonnerie et de charpenterie qu'on fait pour soutenir et pour élever les eaux ; ainsi les digues qu'on construit dans les rivières pour les empêcher de suivre leur pente naturelle, ou pour les détourner, s'appellent des écluses en plusieurs pays : toutefois ce terme signifie plus particulièrement une espèce de canal enfermé entre deux portes ; l'une supérieure, que les ouvriers nomment porte de tête ; et l'autre inférieure, qu'ils nomment porte de mouille, servant dans les navigations artificielles à conserver l'eau, et à rendre le passage des bateaux également aisé en montant et en descendant ; à la différence des pertuis qui, n'étant que de simples ouvertures laissées dans une digue, fermées par des aiguilles appuyées sur une brise, ou par des vannes, perdent beaucoup d'eau, et rendent le passage difficile en montant, et dangereux en descendant.










Construit entre 1804 et 1832, le canal d'Ille-et-Rance est placé sous les compétences de l'Icirmon - Institut du canal d'Ille-et-Rance Manche Océan nord -, institution interdépartementale des Côtes-d'Armor et d'Ille-et-Vilaine. Établissement public territorial, cette structure gère, entretient et s'intéresse au développement touristique de cette voie navigable qui emprunte la Rance, l'Ille et la Vilaine, de Saint-Samson-sur-Rance à l'écluse de Malon à Guipry.





Aménagé à l'origine pour relier les différentes villes de Bretagne et faire face au blocus maritime imposé par les Anglais, le canal d'Ille-et-Rance a conservé de jolies traces de son passé. À Saint-Germain-sur-Ille, l'Atelier du canal perpétue le savoir-faire des charpentiers d'hier, cas unique en France. « Nous fabriquons et posons de 3 à 4 paires de portes par an, indique Jean Deffains, responsable de l'Atelier, avec un record cette année de 5 paires. » Avec Alain Lesage et Guy Frin, ces trois charpentiers sont garants du bon fonctionnement de ce riche patrimoine local apprécié des promeneurs et sportifs.





Techniques de 200 ans

Au cours de l'année, l'Atelier du canal aura remplacé les portes aval de l'écluse Boutron à Calorgat (22), les portes amont de l'Ille à Montreuil-sur-Ille, les portes aval de Gacet à Betton et les deux paires de portes de l'écluse Saint-Germain à Melesse. « En moyenne, les portes sont changées tous les trente ans », précise Alain Lesage. À l'écluse Saint-Germain, les portes aval affichaient fièrement 38 ans, « 31 pour les portes amont ».



Haches et cognées - Musée de l'Outil et des métiers Tinténiac - photo (c) JM Bergougniou


Huit semaines sont nécessaires pour fabriquer les portes aval. « Ce sont les plus grandes. Les portes de Saint-Germain pèsent 4,2 tonnes pour chaque vantail. » Quant aux portes amont, celles qui ont le regard tourné vers le bief de partage, elles demandent six semaines d'ouvrage et pèsent 2,5 tonnes chacune. Depuis plus de deux siècles, le chêne est ici roi pour que ces ouvrages emplissent leur fonction légendaire. « C'est du bois de 5 ans d'abattage maximum, il ne faut pas de bois sec. »






Les étapes de fabrication d’une porte

Scie de long - Musée de l'Outil et des métiers Tinténiac -
photo (c) JM Bergougniou

1 - DE L’ORIGINE DES PORTES Les portes d’écluse sont fabriquées uniquement en chêne, âgé de moins de 5 ans d’abattage, sain et sans déformation. Ce matériau brut doit également ne pas être sec afin d’éviter le gonflement et une casse certaine de la porte neuve suite à son immersion. Les pièces de bois sont débitées aux dimensions par une scierie, livrées par camion puis stockées en extérieur.





2- PRISE DES MESURES ET TRAÇAGE La première étape consiste à reporter au sol les dimensions de la porte pour former “l’épure”, dessin technique qui sert à la réalisation des pièces de bois 




Les mesures ont au préalable été prises à l’aide d’une pige (longue tige en fer), directement sur l’ancienne porte encore plongée dans les eaux du canal. Le travail de fabrication peut alors commencer, avec la réalisation des éléments constitutifs du cadre de la porte. Les pièces de bois réalisées sont ensuite positionnées sur le sol, de manière à respecter les cotes relevées. Alors que les pièces verticales assurent principalement la rotation de la porte et son étanchéité, les éléments horizontaux en garantissent la stabilité.







3- TENNONAGE, MORTAISAGE ET FAÇONNAGE a La fixation des pièces de bois qui constituent les portes d’écluse est assurée selon une méthode traditionnelle. 


Serre-joint - Musée de l'Outil et des métiers Tinténiac -
photo (c) JM Bergougniou
Les charpentiers réalisent pour cela des éléments complémentaires appelés tenons et mortaises. Le tenon, pièce mâle de la construction, est destinée à s’emboîter dans la mortaise, pièce femelle de l’assemblage. Cette étape exige une grande minutie dans la prise de mesures, puis dans la taille. Il est en effet essentiel d’éviter les interstices entre les éléments, malgré le gigantisme de l’ouvrage, afin d’éviter les fuites d’eau.




b Eléments verticaux de la charpente, les poteaux “tourillon” constituent l’axe sur lequel pivote les portes d’écluse. Ils sont façonnés à l’aide de plusieurs outils : scie circulaire, varlope électrique et meuleuse. Cette opération, précise, est réalisée au gabarit afin de garantir une étanchéité parfaite entre la porte et la maçonnerie. 

Scie de long - Musée de l'Outil et des métiers Tinténiac -
photo (c) JM Bergougniou

c C’est à cette étape également qu’est réalisé le cadre de la carré de vantelle. Cette petite vanne percée dans les portes permet de remplir et vider le sas des écluses, et d’équilibrer la pression de part et d’autre des portes, aussi appelées vantaux.


4- ASSEMBLAGE DES PIÈCES Toutes les pièces qui constituent la structure de la porte sont réunies et serrées au moyen de tirants. Tendues à la force des bras et à l’aide d’une barre en métal, ces tiges servent à consolider l’ensemble afin que celui-ci résiste aux fortes pressions exercées par l’eau, une fois les portes immergées.







5 - BRACON ET BARDAGE DES PORTES 

a Le cadre des portes réalisé, plusieurs pièces viennent renforcer et combler les espaces laissés vides. Le bracon traverse l’ensemble en diagonale et assure l’équerrage de la porte. 
b Le contre-bracon est le pendant du bracon, sur la face aval de la porte. Il est composé de plusieurs pièces de bois assemblées, fixées au bracon grâce à des boulons. 

Enclume - Musée de l'Outil et des métiers Tinténiac - photo (c) JM Bergougniou

c Le bardage est constitué de lames qui suivent l’inclinaison du bracon. Ces planches, fixées avec grande précision, sont reliées entre elles par des fausses languettes. Ces petites pièces sont les seules à être constituées de bois sec ; en gonflant à l’immersion, elles assurent l’étanchéité du bardage.



6 - FERRAGE 


a Des ferrures sont ensuite posées sur la porte et contribuent à étayer les assemblages des parties en bois. Il en existe plusieurs : les brides en fer à cheval, la frette, les étriers ou “T”. 
les outils du charpentier - Musée de l'Outil et des métiers Tinténiac -
photo (c) JM Bergougniou

b À cette étape, la carré métallique des vantelles est ajustée au millimètre.





7 - ETANCHÉÏTÉ ET CALFATAGE 

Etoupe - Musée de l'Outil et des métiers Tinténiac - photo (c) JM Bergougniou

Comme sur un bateau, tous les interstices sont ensuite calfatés, c‘est-à dire bouchés à l’aide d’une étoupe. Cette matière rêche et fibreuse issue du chanvre permet d’assurer l’étanchéité de l’ouvrage.




8- REMPLACEMENT DES PORTES D’ÉCLUSE ET POSE DES BALANCIERS Après quelques décennies de service, lorsque les portes n’assurent plus correctement leur rôle de barrage de l’eau, il est nécessaire de les remplacer. Le canal est tout d’abord asséché par un barrage provisoire en amont. Puis, les anciennes portes sont treuillées par une grue pour être retirées. Les nouvelles portes sont acheminées soit sur barge le long du canal, soit à l’aide d’un camion-bras.


pince de forgeron - Musée de l'Outil et des métiers Tinténiac -
 photo (c) JM Bergougniou

Les Outils du Forgeron

Le premier outil du forgeron, c'est, bien sûr, la forge qui permet de chauffer le métal, grâce au combustible, le charbon, et au comburant, l'oxygène de l'air. Il faut donc un foyer et un soufflet. On retrouve ce matériel chez tous les artisans qui travaillent le fer : le serrurier, le maréchal-ferrant, le charron.
la forge - Musée de l'Outil et des métiers Tinténiac - photo (c) JM Bergougniou

Les outils à la disposition du forgeron sont des pinces, des marteaux, des masses, des ciseaux, des poinçons, des tranches, des brosses, des griffes et plusieurs autres outils pour travailler le métal. Le forgeron est à même de fabriquer ses propres outils selon ses besoins

Enclume - Musée de l'Outil et des métiers Tinténiac - photo (c) JM Bergougniou

Enclume : bloc de fer à la surface plate et pointue, sur lequel les morceaux de métal sont posés pour être former en étant martelés.

OUTILS POUR TENIR
Les Pinces
Les pinces - Musée de l'Outil et des métiers Tinténiac - photo (c) JM Bergougniou

Comme dans la plupart des métiers artisanaux, le forgeron utilise des pinces ou tenailles pour tenir le métal chaud, sans se brûler.
Ce sont donc des pinces très longues qui maintiennent à distance le fer chaud de la main. La forme et la taille des mâchoires doivent s'adapter à celles de la barre de fer à travailler ou à celle de l'outil qui sera utilisé pour travailler indirectement le fer, comme les bouterolles.  On en trouve donc de très nombreux types. Elles sont fabriquées par le forgeron lui-même

Etau - Musée de l'Outil et des métiers Tinténiac - photo (c) JM Bergougniou

L'Etau à pied
Dans tous les métiers du fer, on retrouve un étau à pied, fixé au sol et sur l'établi. Ceux du serrurier et de l'armurier sont, en principe,  d'une taille et d'un poids moins importants.
Marteaux à étamper - Musée de l'Outil et des métiers Tinténiac - photo (c) JM Bergougniou

Plusieurs sortes de marteaux pour donner forme aux métaux
  •  plusieurs sortes de gouges pour découper les métaux
  •  Un Tablier et des gants de cuir sont indispensables, ils doivent être en cuir épais pour résister à la chaleur de la forge.
  •  Un soufflet pour activer le feu
Soufflet - Musée de l'Outil et des métiers Tinténiac - photo (c) JM Bergougniou

Tenailles : tenaille à bouterolles, utilisée, comme son nom l’indique, pour modeler des bouterolles, outils utilisés par les orfèvres et les graveurs de pierres fines.
Cloutières - Musée de l'Outil et des métiers Tinténiac - photo (c) JM Bergougniou

Ou tenaille à crochets carrés qui permet de manipuler les barres de fer passées dans l’anneau et retenues par le crochet gauche.

Pinces - Musée de l'Outil et des métiers Tinténiac - photo (c) JM Bergougniou

Chasse (ou étampe) : Se bloque sur l’enclume. Est utilisée pour arrondir le fer à chaud.









Sous réserve d'interdiction sanitaire, le musée ouvrira le 1er juillet 2020

Le port du masque sera obligatoire dans le musée  
et les visiteurs devront se tenir à une distance d'un mètre les uns des autres

Entrées :

Adultes - 3€
Enfants 12 à 18 ans - 1€
Enfants moins de 12 ans - gratuit

Sources :

Maison du canal d'Ille et Rance 
Musée de l'outil et des Métiers

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire

merci de laisser un commentaire suite à votre visite.